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07/07/2013

Cinéma : l’inexorable Géodisation




Pendant 60 ans, la télévision a été le cinéma du pauvre. A petit écran, petit contenu et petite émotion.

Le cinéma conservait 3 atouts majeurs :
  1. Le Spectaculaire
  2. Le Glamour
  3. La Transgression
Le Spectaculaire venait du budget : le budget d'un épisode de série TV représentait une fraction infinitésimale du budget d'un long-métrage.

Le Glamour venait des acteurs : les acteurs de cinéma ne frayaient que rarement avec la télévision, et on avait d'un côté des "icônes" et de l'autre, des "figures populaires". Le gouffre qu'il y avait entre Al Pacino et Paul Michael Glaser (Starsky).

La Transgression venait du contenu et de la pénétration consentie de celui-ci au sein de la famille : on a longtemps considéré que, à l'inverse de la télévision qui trône au centre du foyer, le fait d'acheter un billet de cinéma valait consentement, et de ce fait, on y trouvait du contenu parfois extrême. De fait, on n'entre pas dans un cinéma X pour se plaindre ensuite de la nudité choquante des acteurs. Et donc, la télévision, de par son accessibilité aux enfants à des catégories indistinctes de population, était tenue à une sorte de Plus Petit Dénominateur Commun, à une réserve —une tiédeur— de bon aloi. La fameuse dimension "fédératrice".

Tout a changé à partir des années 2000. Et tout va encore changer dans les années 2020.

La télévision a, un a un, conquis tous les territoires du cinéma, sauf un, et ce n'est qu'une question de temps : nous y reviendrons. 

La Transgression appartient désormais à la télévision. Sans doute est-ce dû à l'éducation du public, désormais habitué à ne plus considérer la télé comme un robinet ouvert sur l'ensemble de la famille, et qui a changé de paradigme, pour se rapprocher de l'usage qu'on a toujours fait des livres : dans toutes les familles, il y a toujours eu des livres "qui n'étaient pas pour les enfants", et ils sont généralement disposés de façon à les en tenir éloignés. On a davantage pris l'habitude de considérer qu'il y a des programmes pour les enfants et d'autres qui ne le sont pas, et plus personne ne songe à blâmer le diffuseur —souvent une chaîne à péage, on retrouve le paradigme du cinéma X où le spectateur demeure volontaire, donc reponsable de ses choix—  pour avoir diffusé du contenue choquant. La multiplicité vertigineuse des chaînes a segmenté le public de facto, faisant que chacun sait ce qu'il va trouver et ne peut plus s'en plaindre : "si vous n'aimez pas, changez de chaîne".  Résultat : il y a plus de transgression —et par là même, souvent plus de création artistique— dans un épisode de "House of Cards", "Mad Men" ou "Californication" que dans la grande majorité de la production cinéma. Le cinéma perd dont ce territoire.

Le Glamour : les budgets télévision vont croissant, et permettent d'engager de grands acteurs venus du cinéma. La télévision débauche des icônes : Glenn Close dans "Damages", Kevin Spacey dans "House of Cards", Steve Buscemi dans "Boardwalk Empire", etc. Et ce n'est que le début. Steven Spielberg le disait il y a un mois avec George Lucas : "Lincoln" est passé "à ça" de se faire à la TV. Prochaine étape : Tom Hanks, Al Pacino, De Niro, etc.

Reste le Spectaculaire. Ce n'est qu'une question de budget. Il suffit de voir la croissance impressionnante des budgets de séries TV pour voir que la courbe ne s'arrêtera pas là. A terme, Roland Emmerich pourra faire "Le Jour d'Après" en 10 épisodes TV, comme Spielberg et Hanks ont fait "Band of Brothers". Question de temps.

Que reste-t-il au cinéma ? La Géode.
On ira toujours voir, une ou deux fois par an, Tyrannosaure Rex 3D à la Villette ou dans une salle iMAX, parce qu'on n'a pas un équipement comparable à la maison. Ce qui, à son tour, sera encore une question de temps.

Les notions de "être ensemble", de "sortir le soir" vont simplement évoluer. On ira boire des verres, on ira manger, on ira traîner —fût-ce au centre commercial du coin, devenu accueillant et convivial— mais cela paraîtra aussi singulier de le faire entre amis ou en couple que ça l'est d'aller à l'Opéra ou au Théâtre. L'affaire d'une à deux fois par an.

70 ans sont passés depuis l'avènement de la TV de masse. Aux USA —toujours les fameux 15 à 20 ans d'avance— la bataille est en train d'être gagnée par la TV, qui a tout pris au cinéma. En France, ça commence.

Mais se pose la même question que pour Samsung copiant Apple : quand on copie quelqu'un, on le réduit à la misère, on finit par le détruire. Et alors, qui copier ?

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© 2013 - Héctor Cabello Reyes

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